juillet06

C'est un blog né de l'impuissance. Impuissance face aux discours steriles, à la méchanceté gratuite, à la folie et à l'égocentrisme de ceux qui veulent gouverner et construire des nations. Un blog qui me ressemble : incohérent et interrogateur, drôle et larmoyant. Valérie

Saturday, August 19, 2006



L'ASSASSINAT DES MOUSTIQUES


Il est neuf heures du soir,
La jeunesse s’apprête à joindre la fiesta de l’oubli
Celle où elle a l’illusion que rien n’a vraiment eu lieu.
L’alcool coulera à gogo
Les oreilles seront assourdies,
Les conversations survoltées sonneront faux
On se saura vain et il y aura complaisance dans la vacuité
Besoin de croire que ça ira
J’ai sombré dans la fausse sieste réparatrice
Me suis obligée à dormir tout l’après-midi
Pour que le temps passe
Pour alléger cette période d’attente,
L’air est trop lourd et mes poumons s’engueulent
Je m’en vais vers les sous-sols jouxtant le port,
Là où l’air ne passe pas.
Je croirai respirer les vibrations des platines
Et je me verrai vivre car mes articulations se disloqueront
Et participeront au rythme de toutes les articulations présentes
Et puis je remonterai l’escalier à moitié éclairé,
Frôlerai les silhouettes des visiteurs tardifs,
Je rentrerai chez moi.
Je compterai les heures qui me séparent du lendemain
Et des jours qui suivent…
Je me disputerai avec la commande de l’air conditionné
J’aurai chaud et j’assassinerai des moustiques.



Wednesday, August 16, 2006

Question :
1er jour de guerre….
2ème jour de guerre…
3ème jour de guerre...
…………………….
…………………….
……………………
30 ème jour de guerre…..
31ème jour de guerre

1er jour de trêve….
2ème jour de trêve….
3ème jour de trêve…
Et après ...?




L'HOMO-SOLIS

Pour souhaiter la bienvenue à la vie
Un homme sur la plage décide de caresser le soleil
On dit que la guerre est finie.
A sa façon, il veut l’exprimer
Il appelle l’astre vital
Ce dernier est réticent,
Cela fait un mois qu’il est captif
Il avait été pris en otage par une bande de nuages grognons, mais,
Avait réussi à s’échapper lorsque des cerfs-volants tenaces avaient décidé
D’attaquer les nuages…
La liberté de flotter dans le ciel lui a manqué.
Cependant, l’homme ne dresse pas sa main entière
Et son doigt tendu n’a pas l’air possessif
Le soleil accepte de s’y poser quelques instants
Pour l’apprivoiser, l’homme le chatouille du bout du doigt,
Le fait tourner dans tous les sens
Le soleil a le vertige et se met à rire à gorge déployée
Si fort que ses rayons éclaboussent tous les corps environnants
A des dizaines et des dizaines de kilomètres :
D’abord les corps des rares baigneurs, celui du marchand de glace,
Les tournesols qui se dressent encore fiers derrière le parking,
Le toit brique des maisons aux alentours,
La montagne où il profite de se reposer dans les nouvelles crevasses.
Il rejoint la centrale électrique calcinée et couvre de sueur le front des travailleurs,
Suit les lignes blanches de l’autoroute : vers le sud, vers le nord.
S’infiltre dans les décombres des maisons, sèche les larmes des joues des enfants,
Se pose dans le cœur des hommes qui ont tout perdu.
Plus loin, plus loin, vers la ligne bleue qui devient verte tout un après-midi.
De l’autre coté, il se pose sur les toits de voitures qui croulent sous des dizaines de matelas en ’éponge,
Joue avec les mouchoirs blancs que font voler les enfants qui ont hâte de retrouver leurs habitations.
Il monte plus haut, plus loin.
S’étend de l’est à l’ouest, salue les moutons de la plaine de la Bekaa et joue cache-cache dans les nouvelles fissures du temple de Baalbek.
Et puis, tout à coup, le rire du soleil se calme,
Devient gloussement puis sourire large, moins large, petit sourire.
Il se retire doucement, revient au centre du doigt avant de s’en éloigner imperceptiblement
Sans brusquerie.
Le soleil rejoint l’horizon.
Le voyage l’a fatigué,
Il plonge alors dans l’eau brillante et bleutée.
Se ressourcer.
Faire fi des plaques huileuses
Les disperser.
L’homme le regarde faire
Le soleil lui rappelle les plongeons divins des dauphins.
L’homme a toujours le doigt tendu
L’attente.
Une étoile. La première.
Doucement, il chuchote son nom
L’étoile tressaille et se penche vers l’homme.




(MERCI à Milou et Christophe pour la magnifique photo :) )


Monday, August 14, 2006

Le point malade
Je ne comprends ni qui commence les guerres, ni qui les achève ? Qui décide ?
Comment cela se fait ? Pourquoi certains jours certaines décisions sont adoptées et d’autres jours, les mêmes, totalement rejetées ?
Pourquoi avons-nous deux parties qui se déclarent gagnantes ? Pourquoi et comment peuvent-elles se déclarer gagnantes après tout ce qu’elles ont perdu ?
Sont-elles à ce point aveugles ? Cela expliquerait les carnages et les destructions massives…
Comment les peuples adhèrent-ils à ces déclarations ? Comment sont-ils capables de sortir de ces abris qu’ils n’ont peut être pas quittés depuis un mois, de monter dans leurs voitures ou sur leurs scooters et d’aller défiler dans les rues ? Se sentent-ils vraiment triomphants ? Se posent-ils des questions ? Se sont-ils demandés ce qu’ils encaissaient eux-mêmes ?
J’ai dormi d’une traite cette nuit. Je n’ai pas eu chaud. Je ne me suis pas tordue dans tous les sens. J’ai juste eu quelques pensées avant de rêver. Des rêves vides, blancs. J’ai pensé à ce jeu que j’adorais jouer gamine. Celui des serpents et des échelles. Et je me suis vue emprisonnée dans la même partie pendant plusieurs jours. Me rapprochant sans cesse de la dernière case et retombant à la case départ à cause du long serpent. Le plus sournois et le plus souriant.
Rattrapant la grande échelle, me faisant piéger par le long serpent.
C’était terrible comme pensée. Ca a imagé ce que je sentais sans que je ne puisse nommer ce sentiment.
Je sens la suspension. Les trois petits points je sens. Ce que l’on ajoute pour marquer une interruption, une hésitation, une indécision, une réticence.
Je sens que je suis un point de suspension qui vient de se faire court-circuiter et qui tente dans un geste noble de repositionner ses trois cheveux sur la tête.
Apres le ver de terre, le pont de suspension court-circuité. Cela s’appelle l’évolution.


Friday, August 11, 2006


Une aube d'été
J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais.
L'eau était morte.
Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois.
J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. (Illuminations, Rimbaud)
J’ai toujours eu tendance à dormir en position foetale.
Aujourd’hui, ce dernier mois, encore plus. Parfois si repliée que cela me donne des crampes partout et des bosses sur le haut des épaules.
Il est 5 : 40 du mat. Maya vante les mérites de Sawt Loubnan, particulièrement ceux de Maktab el Tahrir très rapides. A croire qu’ils savent où va tomber la bombe avant même qu’elle n’explose.
Nous entendons la bombe. Nous comptons trois à quatre secondes. Maya branche son walkman. La présentatrice situe l’objectif ciblé. Certains sont plus violents que d’autres et j’ai comme l’impression d’entendre des vitres se casser au loin.
Cela fait à peu près une heure qu’ils ne sont pas arrêtés.

Dahyé et ses alentours. Encore et toujours. La même chanson nocturne. Le même refrain acharné, enchaîné. Les israéliens déchirent, crèvent, brûlent…. Encore et encore. Je me demande s’ils sont saouls, si on les dope. Comment font-ils ?
Maya veut se rendormir, car elle travaille demain, enfin dans quelques heures. Elle m’allume la grande radio.
99 FM coupée de la réalité passe du RNB très dynamique. On tourne le bouton :
93.3, la voix de Fairuz que je fuis depuis le 12 juillet.
Ca aussi ça fait mal. Fuir ce qu’on aime.
J’ai appris à l’apprécier, à l’écouter, à l’associer à des événements positifs.
Et PAF, tout parti en l’air. A refaire.
C’est la première fois que j’entends maktab el tahrir depuis 16 ans. Ils ont changé la musique mais ont gardé le slogan. Continue à piétiner ma fille. Les années 90. Tiens en pleine figure.
Chez Maya comme elle le dit si bien “maaoul personne n’a bronché”. L’habitude, les mauvaises habitudes de la guerre : la soumission à l’inconfort, au bruit, aux files d’essences, à l’injustice, à la stagnation….
Ca sent la fumé, un peu l’odeur du poulet sur le grill. Je ne sais pas d’ou ça vient. Maya dit que ça sent la poudre
Ce qui est plus absurde après ça c’est d’aller au boulot dit elle dans un énorme sourire
. Elle sait seulement qu’elle a encore cet avantage : qu’on ne l’a pas mise a la porte, qu’on ne lui a pas encore remis son salaire en question et qu’on ne l’a pas encore forcée à prendre des jours de congé non payés.
Comment fait-on quand voulant dans un élan d’espoir croire à l’avenir on s’est acheté une voiture à crédit? On a ouvert une agence de pub? On a loué un appart? On s’est marié? Et …..? et… ? On a fait exploser sa carte de crédit deux jours avant la guerre suite à un chagrin d’amour car on savait que cet été l’argent coulerait à flot ? Comment on fait ?
Ca aussi c’est des victimes de la guerre. Mais on n’en parle pas dans les journaux car la plupart ont encore un toit ou plusieurs au-dessus de leurs têtes.
Dans la rue, les alarmes des voitures et les chauffards se font la concurrence, suivis par les premiers oiseaux du matin qui se joignent à cette fanfare matinale.
A partir du moment où je me suis levée m’asseoir face à l’écran, j’ai recommencé à sursauter. C’est très étrange, mais, quand je suis allongée enfin recroquevillée dans mon lit je ne sursaute jamais. Une fois debout, ça me rattrape vite.
5:58 Les nouvelles : ils parlent de ces odeurs qui nous ont envahis. Ensuite c’est la série Russie, France, Angleterre…. Chacun se prononce encore une fois depuis 30 jours. Les arrivées des personnalités, le départ d’autres. Les négociations. La parlotte.
Est ce que vos gorges sont aussi desséchées que les nôtres messieurs dames?
Est ce que vous avez soif? Faim? Faim de vie normale avec un grand N ? Faim de nuits tranquilles ? De réveils plein de perspectives ? De rires spontanés et non nerveux ? Faim de petits problèmes quotidiens qui auront toujours une solution ? Soif de mots, de concentration ? Soif d’énergie positive ?
Est-ce que vous avez peur ? Est-ce que vous aimez ? Est-ce que vous réveillez angoissés, souriants, ou détendus ? Notre santé physique et morale vous préoccupe-t-elle vraiment ? Vous empêche-t-on de dormir ? Vous coupe-t-on l’appétit ? Vous déforme-t-on vos sourires ?
Comment vous sentez vous en ce beau matin d’août?
Pour ma part, j’ai encore été réveillée par les bombardements. Oui vous avez raison. Je n’aurai pas du broncher puisque vous m’avez garanti que ce n’est pas moi qui suis visée. Qu’ils ne savent même pas que j’existe. Enfin si un peu quand même puisqu’il me lance des tracts etc.
En ouvrant les yeux, j’ai encore réajusté ma position pour éviter les maux de dos quotidiens. J’ai étiré les jambes, croisé les bras derrière la tête.
En face, à gauche, la fenêtre avec un bout de mur en brique, et le rideau en voile blanche qui flotte fantomatique et fait passer un vent agréable. Dehors un ciel bleu pur et une lune ronde argentée. Le mouvement du vent est poétique.
J’ai du mal à regarder ce tableau. Je me lève et me dirige vers l’ordinateur.
J’ai reçu un mail nauséabond Israel history X. Je n’ai même pas pu tout lire tellement c’est méchant et diabolique. Il s’agit de plusieurs déclarations faites par les différents chefs d’Israël depuis la création de cet état. Une surenchère de bestialité.
Ils étaient comment les juifs avant que Hitler ne les persécute ? C’était quoi exactement leur problème ?
En quittant vers 11h j’ai croise la mère de Maya à la porte. Je n’ai pu m’empêcher de banalité :
- Comment allez vous ?
- Comme le pays me répond -elle en souriant.
Et je rentre chez moi. Comme le pays, c'est-à-dire mal, très mal. Un pays au bord de la nausée, à la limite de la crise de nerfs collective (Je ne vous parlerai de mon état personnel. L’ordinateur s’est éteint quatre fois depuis ce matin et je recommence ce même texte depuis.) Un pays yoyo dont la boulle s’use sans arrêt, s’effrite, se morcelle alors que l’élastique resplendit tous les jours davantage, étirant à l’infini les possibilités du désastre qu’il croise constamment aux solutions prochaines, très prochaines ( ?) : La 30e journée de la guerre contre le Liban a été rythmée hier à la fois et en même temps par les bruits du canon et par une bonne (et vraie) volonté d’accélérer les choses sur le plan diplomatique (L’Orient le jour)

Tous les jours les mêmes questions avec cette énorme angoisse de répétition de l’Histoire, celle de nos parents qui ont spéculé d’abord sur des jours et se sont retrouvés engloutis sous 17 ans de guerre.
Je ne suis pas de nature pessimiste mais vraiment très loin de là. Mais j’ai du mal. BEAUCOUP de mal à ramer dans le bon sens. J’ai même interprété l’histoire des avions de Londres comme un traquenard pour détourner l’attention des medias. Résultats nous étions le quatrième titre du journal. J’ai peur que ce conflit devienne banal et occupe et préoccupe de moins en moins les gens. Qu’il rejoigne les autres, ceux qui durent depuis si longtemps qu’on a oublié presque qu’ils existaient ce dernier mois. Ceux qu’on a toujours eu la possibilité de zapper. Aujourd’hui c’est le monde qui nous zappe.
Il est 13 heures, le bruit des avions est très proche ce midi. Accompagné pour la première fois par une symphonie lugubre à laquelle participent activement tous les chiens du quartier.
Je sors au balcon. J’observe les traînées argentées dans le ciel bleu. Je pense aux images sur Euronews : les tracts lancés en plein ciel. Très décoratif. Une œuvre d’art suspendue au-dessus de nos têtes. Annonçant de nouvelles opérations de nettoyage, nous mettant une nouvelle fois en garde contre l’ennemi qui sommeille tout prêt de nous. Merci de vous préoccuper de notre sort.
Vraiment, sans vous, je me demande ce que nous aurions fait ? Ce que nous serions devenus ? Merci de transformer le pays en toile minimaliste, en cratère de lune.
Merci d’être ce que vous êtes pour nous faire comprendre ce que nous sommes.
Ce que nous sommes ? Je ne sais pas. Mais au moins nous ne sommes pas vous. Et ça c’est le plus important. C’est même une pensée qui sauve ma journée et peut-être même mes lendemains.
Bonne journée messieurs dames !

Thursday, August 10, 2006


Joyeux Anniversaire (?)

- Tu dores Valutin + 1an ??? Tas fêté un peu ?
- Je te souhaite un très très très joyeux anniversaire dans un très très très sale pays
- Bonne journée je ne sais pas comment mais autant que possible. J’aurai aimé que la guerre se termine aujourd’hui.
- J’espère que l’année prochaine ce sera plus joyeux
- … une petite colline fleurie, {… }de la danse, dur rire qui éclatent, c’est ce que je te souhaite pour ton anniversaire
- Happy birthday to u, happy birthday to u… et pour toi et en ton honneur, un magnifique feu d’artifice. Ils ont bombardé le phare :)
………………………………………………………………………

Chaque année (depuis sept ans) je fuis le pays aux alentours du dix août. Cela s’est fait naturellement et s’est instauré.
Comme ça, j’ai l’impression que le temps passe moins vite, que je contrôle un peu la situation.
Et puis, quand je rentre, je fête avec les gens que j’aime mais ce n’est pas à la bonne date alors je sens moins la pression et me laisse vite emporter par les tourbillons de la musique…
Aujourd’hui je suis au Liban. Depuis hier soir, à minuit, les sms et les coups de fil me rassurent. Ils viennent de gens qui m’assurent de leur présence, de leur existence.
Je n’aurai pu être nulle part ailleurs aujourd’hui.
Avoir vingt sept ans en temps de guerre à Beyrouth. Je n’y aurai jamais cru.
Je me souviens d’un seul anniversaire sous les bombes. Celui où j’ai eu dix ans.
Nous avons passé tout l’après midi à courir de la salle à manger au couloir selon l’intensité des bombes.
C’était drôle et grave en même temps.
Dans toutes les photos on a l’air essoufflés mais souriants…. (cf photo)
Je ne sais plus si je ce jour-là j’ai réussi à éteindre les bougies ou si elles ont fondu toutes seules sur le gâteau.
Pour cette année, on planifiait de réserver la Rest house de Tyr ou d’aller camper dans le fond de la Bekaa.
La plus grosse difficulté consistait à mettre tout le monde d’accord sur un même plan pour ne pas avoir à réserver, changer d’avis réserver à nouveau…
Aujourd’hui…..
Cette indécision générale était ce qui m’énervait le plus et j’arrivai plus au moins à manifester ma colère.
Aujourd’hui je suis très en colère sous un visage souriant (car je veux que ce jour ait au moins l’apparence d’être joyeux)

C’est une colère interne que je suis incapable de sortir. Elle implose 24h/jour mais ni je ne crie, ni je m’impatiente, ni je tremblote….. C’est tout le contraire. Il n’y a que mes yeux qui sont certainement beaucoup plus noirs que d’habitude et ma bouche qui est toute le temps desséchée.
Il est 11h 51. J’entends des bombardements au loin. Sourds.
11h52 deuxième écho. Ca ressemble au bruit que produisent les citernes d’eau en se vidant.
Une voiture passe dans la rue. Musique super élevée. Les slogans de la MTV, cette chaîne télévisée qu’on a condamnée il y a plus de cinq ans
On m’a raconté une blague bien libanaise dimanche :
Pourquoi Olmert a – t-il beaucoup de fans parmi les femmes d’Achrafieh ?
Et ben parce qu’il leur a promis de les ramener vingt ans en arrière ! !
12 : 01 Ma mère m’appelle affolée. Ils ont parlé de bruits étranges à la radio. Ce n’est toujours pas identifié. Cela la rassure que je sois à la maison. Elle me demande si je ne veux pas écouter les infos. Quelque chose que je voulais éviter de faire aujourd’hui. Au moins pas avant le soir.
J’allume la TV 30 secondes. Rien.
Je parlais d’Olmert et de ses promesses….
Je l’emmerde point barre. (Voila la colère qui sort un peu)
Je fais partie d’une génération qui se crève pour se construire un semblant de stabilité, qui espère en un Liban meilleur et qui tente de le construire. Décidée à rester parce qu’elle est la génération moteur : celle qui installe des pylônes, qui pense à bâtir des familles, qui travaille, réfléchit, s’accroche…
Avant le 12 juillet (et malgré l’horreur de l’année 2005) nous jouions le jeu du Grand leurre : foi, ambition, action et longue attente… en croyant aux miracles.
Aujourd’hui nous ne jouons plus et la foi…. ?
Comme nous nous perdons de vue dans le sens réciproque et réfléchi, je ne sais pas ce qu’il reste de la foi en soi, en les autres, en l’homme en général.
Je ne veux pas retourner vingt ans en arrière. Ca fait dix ans que je me construis des repères,
Je ne veux pas éclater en parcelles. Je ne veux pas être réduite en poussières qui iront flotter et se joindre à toutes les autres. Se suspendre au dessus de la ville et accentuer les tonalites grisâtres du ciel.
Je veux pouvoir croire que l’année prochaine j’aurai vingt huit ans et que je serai toujours là. Pas à ma place car je ne supporte pas la stagnation. Mais là, au Liban, dans Beyrouth qui continuera à se ressembler : décousue mais belle à crever.


Tuesday, August 08, 2006


LA MOUCHE ET LA PETITE FILLE


- Héé la mouche… la mouououche ! Pourquoi tu réponds pas ?? T’es qu’une méchante ! Et puis, j suis sure qu tu fais exprès de faire tous ces bruits affreux. Tu m fais peur tu sais. Mais arrête vilaine ! Arrreêête !
Quand je t’ai accusée chez mon papa, il a eu un sourire bizarre et a regardé vers le ciel. Mais toi, mouche, t’étais pas dans le ciel. T’étais juste là, collée à la vitre, et tu faisais bbbzzzzz bbbzzz puis vrouou bvrouuu de plus en plus fort. Papa m’a portée loin de la vitre. J’essayai de lui expliquer qu’il fallait t’écraser pour que la vitre arrête de bouger. Mais non ! Il voulait rien entendre.
Le soir, j’ai dormi entre maman et papa. Ils avaient pas l’air très contents et n’arrêtaient pas de se chamailler. Je crois que c’est à cause du tonnerre. Je crois que maman voulait aller à la piscine mais que papa il voulait pas à cause de la pluie. Mais je la voyais pas moi la pluie.
Et parce que le ciel allait nous tomber sur la tête. Il disait.
Cette nuit, on n’a pas beaucoup dormi. Il y a eu un énorme bruit de tonnerre et un autre bruit que je connaissais pas. Maman a crié et papa s’est levé pour voir. Maman l’a rattrapé par le pantalon et moi j’ai fermé les yeux pour pas voir sa culotte. Mais papa c’est le plus costaud. Il a gagné.
Il n’ y avait pas de lumière. Je cois qu’il voulait voir si le ciel était tombé.
Moi, j trouvais ça bien, que le ciel il tombe. On m’a toujours dit que les gens qu’on aime et qui sont partis pour un long voyage et qu’on va plus voir, ils sont dans le ciel, dans un endroit qui s’appelle paradis. On allait peut-être revoir ma grand-mère alors, la maman de mon papa. Et ça, ca devait pas faire plaisir à ma maman.
Papa est revenu et a dit que les vitres se sont cassées. Moi, j’ai accusé la mouche mais il m’a dit d’me taire et de dormir. Il avait l’air effrayant. Alors, j’ai plus rien dit. J’ai dormi ou j’ai fait semblant. C’était un peu un mensonge mais j’arrivais pas à fermer les yeux. La mouche avait suivi papa dans la chambre.
Le matin, quand le jour s’est levé, j’ai couru au salon. La vitre du balcon était cassée et parmi les morceaux de verre, j’ai trouvé la mouche.
Elle ne bougeait plus. Elle ne faisait plus de bruit.
C’était pas sa faute alors ? C’était la faute de qui ?
Papa m’avait pas menti mais il avait pas dit toute le vérité : le ciel était toujours à sa place.
Alors je me suis assise et j’ai ramassé la mouche dans un bout de kleenex et je l’ai déposé dans une des plantes du salon. J’avais un peu mal au cœur et j’avais envie de pleurer pour de vrai. Pas faire semblant pour avoir des bonbons ou un nouveau jouet. J voulais pleurer de vérité et pas de mensonges.
Après, j’ai vu mon arrosoir bleu. Il y avait encore un peu d’eau dedans. J’ai arrosé la plante, le kleenex et la mouche mais elle a pas bougé.
Papa est sorti de la chambre à ce moment-là. Il m’a vu sur la moquette. Il a crié car je ne portais pas de pantoufles. Ensuite, il a couru et il a examiné mes orteils. Il y avait un peu de sang.
Il m’a porté à la salle de bains et a mis de l’alcool sur mes pieds. Ca a brûlé. J’ai pleuré. Papa n’a pas crié. Il m’a pris dans ses bras. Il m’a caressé les cheveux.
J’ai senti qu’il pleurait aussi. Mais, j’ai rien dit. J crois que j’avais un peu honte, un peu comme quand j fais une bêtise et qu j sais qu c’est une bêtise et qu papa m gronde, ça fait tout chaud dans mes joues et mes poumons. Mais cette fois c’était pas moi qui avais fait la bêtise. Et c’était pas la mouche non plus. Et c’était pas papa. C’était qui alors ? Le ciel qui allait tomber ?
J’avais honte j crois, car papa est un monsieur, une grande personne et qu’ les messieurs et les grandes personnes, elles pleurent pas. Ni pour de vrai ni pour de faux.
J’ai voulu lui dire qu c’était pas grave si le balcon il avait plus d vitres. On aurait moins chaud. Et qu’c’était pas grave si la mouche bougeait plus. On en aura certainement d’autres, maintenant qu’il y a avait plus d vitre pour les empêcher d rentrer.
Mais j’arrivais à rien dire. Papa avait l’air triste, si triste.
Quand papa est triste, il met la radio et il chante un peu. Il dit qu ça lui redonne du courage. Alors j’ai fredonné dans son oreille. Doucement. La petite chanson de la pluie. Et j’ai pris sa tête dans mes bras et je l’ai bercé comme je berce Anaïs, ma plus vieille poupée.
Et papa s’est endormi. Il s’est couché à coté du verre.
C’est à ce moment là que le tonnerre a grondé très fort… et que j’ai vu la pluie tomber sur le balcon. Elle était bizarre cette pluie. Un peu comme de la craie mélangée à de l’eau….


Ce texte n'a pas trouvé de fin. Celles qui s'imposent depuis dix jours sont surtout graves et pessimistes et je n'en veux pas. Alors j'attends la fin de la guerre pour savoir ce qui est arrivé à la petite fille et à sa famille.

Wednesday, August 02, 2006



Fable bleue au petit matin

La fenêtre cache un ailleurs auréolé de lumière,
Des cris d’enfants-clowns aux rires chantants,
Des mères porteuses de grain de terre,
Des pères aux mains de serpe.
Au loin, sur la surface de la terre,
Deux femmes prennent leur café.
Les pieds trempés dans des mers infinies,
Elles sucrent le monde à l’aide de petites cuillères d’argent
.
Et quand les grains de sucre se mêlent
A la sueur des travailleurs,
Leurs sèves deviennent plus douces.
Un jour, quand les serpes chatouilleront

A nouveau les grains de terre.
Les enfants deviendront meilleurs.