juillet06

C'est un blog né de l'impuissance. Impuissance face aux discours steriles, à la méchanceté gratuite, à la folie et à l'égocentrisme de ceux qui veulent gouverner et construire des nations. Un blog qui me ressemble : incohérent et interrogateur, drôle et larmoyant. Valérie

Thursday, October 04, 2007










IMPRESSIONS-MATIN



Ce matin, Beyrouth est gris. A la surface de mon café au lait, flottent de minuscules graines qui ne veulent pas aller s’écraser au fond. Contre le sucre. Je sais qu’il fera très chaud dans quelques heures. Que les enfants se lamenteront. Ce sera aussi une raison de refuser le travail. Je suis à moitié réveillée ou à moitié endormie selon le profil droit ou gauche. Il y a toujours un coté qui émerge le premier. Celui que j’écrase le moins en dormant.
La journée a commencé pour la plupart des gens et j’entends les institutrices crier déjà dans les classes. Ou chanter. Il est à peine neuf heures. Ma journée se termine à 18h. C’est rare. Trois dernières heures : théâtre. Je me demande si je vivrai la même chose que la semaine précédente : ils m’ont poussé à faire l’exercice avec eux et je me suis retrouvée sur scène parlant d’une voix peu assurée et très émue de mon identité libanaise etc alors que j’avais prévu de leur raconter l’histoire de ma trousse vietnamienne. Le théâtre opère toujours de manière ambiguë. Il surprend et une fois sur cette chaise au milieu de la scène, je n’ai plus maitrisé ce qui se passait. Je m’en suis voulu d’avoir franchi une certaine limite dans l’ « intime » mais c’était trop tard et je crois que le cours s’est poursuivi avec plus de chaleur et d’enthousiasme.
J’ai envie de clases idéales où les enfants auront des têtes d’éponge, pas les enfants, surtout les ados. J’ai l’impression de me noyer dans de la bêtise en classe de troisième. Ca fuse de partout et ca les submerge… Et moi avec. C’est terrible…
Il y a quelques jours, ils ont reçu un savon du proviseur : La classe était si sale, si immonde que les déchets qui jonchaient sol et tables étaient non identifiables. Il leur a parlé aussi de leur comportement face à un nouvel élève qu’ils maltraitent… : « Si vous pensez que les gens viennent à Beyrouth, pour les immeubles en béton et les espaces verts ou par la sécurité, vous vous trompez, c’est pour l’accueil qu’ils viennent… »
Je ne sais pas s’ils ont compris grand-chose et ca m’a fait encore plus de peine
Le public « élite », avenir du pays ? Le public « élite », incapable de ramasser ses propres déchets, habitué à ce que la « bonne » nettoie après lui.
J’ai parfois l’impression que tous ces sri-lankais, égyptiens, indiens… (pour ne pas citer les plus proches) sont plus libanais que nous… Alors on les traite très mal… Et après ?





Thursday, April 05, 2007





LETTRE OUVERTE, CLOSE, OUVERTE, CLOSE....

Je n’en peux plus de t’écouter : tes rumeurs et surtout ton silence pesant qui s’infiltre malgré les klaxons, les murmures, les jouissances nocturnes et le miaulement des chats en chaleur.
Je n’en peux plus, tu comprends, te regarder et souffrir sans arrêt. Avoir cette pointe au coté, cette main sur la gorge qui continue à serrer, desserrer, serrer un peu plus fort, compresser mes larmes dans ma poitrine, les faire suinter et parfois exploser.
Je n’en peux plus de cette situation, avec ou sans, ensemble ou séparés, amis ou ennemis. Je m’en viens à aimer les choses claires, horizontales, tracées, définies, moi qui suis le fouillis permanant.
Non, ce n’est pas que nous ne nous comprenons plus, enfin pas à toutes les heures, pas à toutes les sauces. Quand mon regard se contente de te traverser, cherchant désespérément un appui où se poser à l’horizon, j’ai peur et je me sens coupable de t’être indifférente l’espace de quelques instants. L’espace de quelques instants mon regard erre et se heurte au vide et ça fait mal !
Et quand je me sens pleine de toi, cela ne me rassure plus et je me sens prise au piège, condamnée pour l’éternité à tomber dans tes crevasses, à me faire siffler les oreilles par tes balles, à finir sourde à cause de tes rumeurs blafardes.
Je me sens chèvre désarticulée dansant au milieu d’un champ où poussent des arbres métalliques aux kalachnikovs dorées, où l’herbe est souffre qui tombe en poussière aussitôt que tu l’approches.
Pourquoi j’ai décidé de briser le silence ? Parce que je n’en peux plus de parler seule. De spéculer sur un avenir peut-être déjà mort. Je n’en peux plus de ce bourbier, made in grandes puissances, au rabais, sur-soldé. Liquidation totale !
Tu sais peut être si on faisait comme eux, cela nous sauverait. Non ? Imagine que l’on remplace la statue des martyrs par une statue de la liberté ! On aurait l’air vachement civilisés, non ? Ça marcherait, tu crois ?
Tu souris amèrement et ça me tue. Tu as raison, plus loin à coté de la statue il y a un homme libre assis au pied d’une fontaine sous un arbre, solitaire, de plus en plus solitaire. Et pas loin de lui, un autre homme libre dont le portrait ne fait que rétrécir. A croire que c’est l’effet de la pluie.
Et en face, un autre portrait, trop récent pour commencer à prendre des dimensions plus petites. La taille de ces portraits illustre-t-elle la taille des peines ?
Mon professeur de théâtre me parle toujours de trois points dont je ne me lasse jamais : La liberté, la richesse et la générosité.
La liberté, le point de départ absolu qui mène à la richesse, toute richesse qui mène à la générosité, la générosité de ne plus se condamner à mort la générosité de ne plus être la raison de ces portraits qui rétrécissent jusqu'à devenir des feuilles A4 qui circuleront encore sur les murs quand nous ne serons plus là.
Maintenant, c’est toi qui es gênée, et moi qui ai le sourire amer. Ne t’inquiète pas, je ne parlais pas de toi. Tu sais j’ai l’impression folle, l’espoir étrange que toi tu seras toujours là, différente certes mais là, un peu plus blonde, rousse peut-être, le corps de moins en moins flottant, plus bétonné.
C’est à moi que je pensais. Bien que tu saches plus que n’importe qui d’autre combien ça me fait peur de penser à ça. Je pensais au jour où je ne verrai plus ces portraits, est-ce que j’aurai eu le temps de laisser des traces derrière moi, est-ce que l’on m’aura donné, l’opportunité, le droit, le TEMPS de le faire ?
Est-ce que la région va cramer cet été, et nous avec ? laissant derrière nous des tas de manuscrits inachevés, qu’on publiera un jour et qu’on fera lire aux collégiens lors de séquences sur la guerre et ses horreurs pour leur montrer que ce sont des choses à ne pas refaire ?
Et toi ? il y aura toujours quelqu’un qui vendra son âme pour toi, quelqu’un qui investira dans tes entrailles, sur tes décombres toujours à la recherche de ton passé glorieux, disparu. Il construira sur nous, en nous et nous enfoncera de plus en plus bas, vers la vieille cité, que tout le monde continue à chercher.
Nous deviendrons les murmures, les voix qui se réveillent la nuit, qui cogneront contre les nouveaux pavés construits exactement pareils aux anciens à partir de photographies et spécimens pris en 2007, ces derniers construits exactement sur le modèle…, ces derniers….


Tuesday, January 23, 2007



Beyrouth
LatitudeLongitudeAltitude
35°29' N33°49' E29 m
relevé le mardi 23 à 11:00 (heure locale)
16°C

Humidité relativeDirection du ventForce du vent
55 %N14 km/h
beau temps
Lever du soleilCoucher du soleilDurée
06:4016:59+1 min
Ecueil

Il fait beau. Il fait toujours beau quand ça merde. A croire presque qu’ils suivent la météo, qu’ils la traquent pour nous piéger, nous enrager.
Cet été j’ai nettoyé la mer une demi-journée, j’ai eu des maux de tête pendant trois jours. Mais je voulais le faire, m’accrocher.
Aujourd’hui, j’ai envie de nettoyer le ciel. Comment fait-on pour nettoyer le ciel ? Mon ciel bleu pur qui s’est obscurci avec les premières couleurs de l’aube. Pourtant sur les billboards de la ville, j’ai cru comprendre que l’opposition voulait semer les couleurs. Reprenant l’arc-en-ciel en logo (très énigmatique et controversé), elle a répondu aux panneaux :
j’aime la vie,
j’aime la vie en couleurs.
C quelle couleur le gris ?
Pourquoi est ce qu’on se fout de nous d’un coté et de l’autre. La pub, c toujours du bluff. J’aurai dû lire entre les mots et les couleurs :
J’aime ma vie.
Ma vie qui d’emblée exclue la tienne, la sienne, toutes celles qui ne répondent pas à mes aspirations.

Parce que c’est comme ça que ça fonctionne.
Deux affirmations, mais un total déni de l’autre.
D’accord, je n’y croyais pas trop à ce jour de travail mais ça m’aurait tuée qu’on soit obligés de fermer. Donc on a ouvert. Je suis arrivée essoufflée, ébouriffée, 5mn en retard alors que j’habite à 3mn. Quelques professeurs, quelques élèves, les proviseurs. Un prof qui s’accroche à une petite radio qui a du mal à capter les ondes.
Flash back : Mmes Odile et Caroline dans l’autocar scolaire. De noir vêtues, les cheveux huileux, frigorifiées et désagréables hiver comme été collées à leur petit poste de radio. Flash-back : On court dans les couloirs et on se jette à plat ventre dans le réfectoire où les bonnes sœurs prennent leur repas. Ca sent la chaleur mais tous les enfants pleurent. Je demande à avoir ma petite sœur à coté de moi. Flash back : L’autocar zigzague comme un fou. On entend des bruits horribles. Le chauffeur hurle qu’on s’aplatisse sous les bancs. On arrive après deux heures de route. Ce soir mon père ne rentrera pas. Il sera retenu plus de deux jours et demi dans son bureau, sa rue prise d’assaut par diverses milices. On se demande aujourd’hui encore comment il s’en est sorti. Flash back d’une réalité qui semble collée à ma peau, collée à ce ciel de plus en plus gris.
C quoi comme couleur le gris ?

Les protagonistes qui avaient lancé cette guerre font partie de l’avant-scène du spectacle qui se déroule dans nos rues aujourd’hui. J’avais 8, 9 ans. Aujourd’hui j’en ai 27. La cloche du lycée persiste à sonner. C’est l’heure de la recréation. Mais on a renvoyé tous les enfants chez eux. On a voulu résister. On nous a empêchés. Pourtant ils appellent leur combat un combat de et vers la liberté. La mienne ne doit pas vraiment les concerner. La mienne, celles des enfants qu’on a amenés, des professeurs qui sont venus, des surveillants, de la dame qui fait des photocopies et de celle qui fait les manakiches. Notre liberté, ils n’en ont rien à foutre. Ce n’est ni l’enseignent, ni l’élève, ni la dame qui fait les manakiches ni celle qui reproduit les documents qui feront peut être avancer le pays. Ce n’est pas non plus la mère qui est arrivée à 9h accompagnée de son fils de treize ans. Venue de Hamra, elle s’est faite insulter sur la route. On a tenté par tous les moyens de lui faire rebrousser chemin. Elle a eu l’impression de passer entre les lignes de démarcation, les snipers remplacés par des barrages de pneus…Elle a contourné les clous, le mazout, les mal intentionnés, les gamins excités. Elle voulait amener son fils à l’école. Elle a garé à un quart d’heure à pied du lycée. Elle est arrivée et elle nous en a voulu d’avoir déserté. Et elle a eu raison et j’ai eu honte. C’est vraiment tout dire. La honte, c’est le sentiment que je ressens.

Fabriano a lancé le thème de son nouveau concours de dessin :
Affiche touristique pour le Liban d’avenir
Gardez l’espoir… gardez le sourire !
Le Liban est malade de son environnement.
Si le Liban n’était pas ma patrie, j’aurai pris le Liban pour patrie. (Gebran)

J’ai honte parce qu’à part la troisième proposition, les autres demeurent illisibles, aussi illisible que le monde de Shwara dans le pont de Ran-Mositar[1]. J’ai honte parce que je me sens coupable de ne pas comprendre. Parce que les mots flottent cabrés et fous devant mes yeux avenir, sourire, patrie.

Il y a deux ans bientôt je les ai vus éperonner la liberté et plier bagages. J’ai cru à un mirage. J’ai souri mais mon sourire était déjà amer et je ne voulais pas le voir. Je ne voulais pas y croire
Au lycée avant de rentrer, Michèle a abordé le proviseur. Ils ont parlé de la langue créole. Il lui a parlé d’un oiseau qui se réveille avec l’aube et qui est le premier à célébrer l’arrivée d’un nouveau jour et il a dit quelques phrases en cette langue : très musicale. Le pipiri, l’oiseau du matin.
Et puis il a parlé de projets qu’il mène en terminant par tout tombe à l’eau. Je n’ai pas voulu dire qu’on était devenus tous des pécheurs spécialisés et qu’il ne s’inquiète pas. Mais c’est ce que j’ai senti sur le moment. On pêche, se repêche, se noie au fond d’un verre, d’une crevasse, d’une plaque de pétrole ou d’une piscine vide. Et puis on recommence.
Je me demande si le pipiri aurait chanté ce matin s’il s’était trouvé par hasard dans notre ciel. Je me demande s’il aurait célébré le matin gris ? Si sa petite gorge ne se serait pas enflammée. S’il aurait pris feu. Comme… Comme le phoenix.
J’ai besoin qu’on change de symbole. C’est peut être pour cela qu’on va mal. Parce que l’on sait que l’on va renaître de nos cendres alors on joue, on voit jusqu'à quand. On continue à brûler, et puis rien.
Des gens qui se consument derrière leurs fenêtres. Dans l’attente. Le Liban est une salle d’attente spécialisée dans l’ajournement. On attend pour entendre « un jour peut-être… » et puis on se rassoit. Et les jours, les semaines, les mois défilent et on est bien content d’entendre une phrase différente « peut-être un jour » et puis après « yemken chi yom » en arabe ça a l’air plus certain….
J’aimerai mieux parler l’arabe. Peut-être que ça me ferait sentir plus libanaise. Plus libanaise ? Plus patriotique. Plus patriotique ? C quoi ? une couleur sans doute…


[1] Roman de Frank Pavloff : Ca se passé dans une ville dont on ignore le nom mais on sait que c’est en Bosnie. C sublime mais ça fait mal. C l’après-guerre civile et le pardon est impossible…. Et il y a un pont à reconstruire…

Sunday, November 05, 2006


L’arc-en-ciel sauve mes journées

Je marche pas à pas. Il pleut. Goutte après goutte. Je marche, il goutte. Mon visage ruisselle. Mes cheveux se couvrent de petites perles scintillantes qui sèment la bonne humeur sur mon visage tout entier : le cou qui se relève, les lèvres qui s’étirent, les yeux qui brillent.
Le centre de la ville est vide. Au milieu des pavés parfaits, des immeubles si bien dessinés et alignés. Entre les quelques vestiges qui rappellent un passé révolu et dont le silence et la gravité sont éloquents, je me sens accrochée, retenue par des éclats d’obus invisibles. Je me sens noyée dans des fleuves de sang d’enfant où émergent des parties distinctes de corps humains.
Non, tout n’est pas fini. Et j’entends souvent dire, chuchoter ou murmurer que ce n’est que le début.
Le début :
Un incipit en chute libre. J’ai du mal à imaginer la fin. Hier soir j’ai été au théâtre. Vu UNacceptable[1] : grotesque d’exagération : On vous achète au prix que l’on impose ou on vous viole. Telle fut la conclusion de cette heure où le même texte et les mêmes gestes se répètent à l’infini. De grandes réunions ordinaires et extraordinaires : De la luxure, de la pornographie, encore et toujours. Des lapsus et puis le chaos et de nouveau des discours hermétiques entrecoupés des mots paix et monde pour rappeler qu’ils sont là pour la bonne cause. Et puis, une critique de la scène locale. Le metteur en scène a lessivé tout le monde. On sort déboussolé, accompagné par des hommes en cagoule et armés, avec en tête « Ounadikom… », cette chanson culte d’Ahmad Kaabour.
ET puis, rien. Est-ce trop tôt ? trop tard peut-être pour une telle pièce ? A qui s’adresse-t-elle ? Et qui réagit ? Qui répond à l’appel ? Qui est toujours là ? Qui n’a pas en tête cette idée de départ ?
J’ai décidé de rester. Donc j’agis. J’ai repris un rythme de travail intensif. J’ai la tête pleine d’idées pour les spectacles de cette année. Quand je travaille et que je suis productive et surtout créative, j’ai beaucoup de mal à être négative. J’ai l’impression que ma tête fonctionne à une telle vitesse que je n’ai pas le temps de m’arrêter, de me poser des questions sur les grands titres des journaux, sur les « Tout va mal au Liban… Israël menace à nouveau… » Avec ou sans ma lecture, les journaux sont programmés pour ces tristes vérités imposées par …. qui deviennent vite la réalité, notre réalité, ma réalité. Alors, pour ne pas aller trop mal, j’active le mode hyperactif. (C’est idiot mais ça fonctionne.)
Et puis, j’essaye de m’entourer de couleurs, ça fonctionne aussi. Toujours une ou deux belles couleurs sous le nez, ça éloigne la morosité pour un moment. Avoir un parapluie drôle, genre grande grenouille verte ou avec des écritures ça aide, surtout quand le mauvais temps nous déprime. Regarder les arbres ça calme, même s’il n’ y en pas beaucoup. Chercher et trouver un arbre dans Beyrouth est un moment extraordinaire à vivre.
Ce sont de petites choses qui aident à mieux digérer le malaise ambiant. On est condamnes à digérer toutes ces vérités indigestes. Alors, autant le faire avec le sourire.
Avoir un fou rire dans la semaine et un sourire par jour est le meilleur remède pour continuer à flotter dans ce marasme.
Il pleut dehors et il commence à faire vraiment froid. Je suis assise à l’intérieur en face des arbres du Lycée que l’on a si grossièrement coupés. J’ai un peu faim et je sais qu’une bonne soupe m’attend à table. Je suis privilégiée. Je ne peux pas aller mal.

[1] Pièce jouée au Théâtre Monnot jusqu’au 19 novembre, mise en scène Sherif Abdelnour, deux versions anglais et arabe.

Tuesday, September 19, 2006

KEEP WALKING

Surtout ne pas s'arrêter, surtout ne pas regarder en arrière, surtout ne pas trébucher..... Surtout ne pas prendre pour exemple Perette et son pot au lait...

Entre la pub du pont (qu'on vue partout) et celle de l'essence, celle-ci est ma préférée.

Mais ce n'est ni évident à suivre, ni évident à écrire. Le texte qui doit venir avec se casse la gueule depuis dix jours... En l'attendant, enjoy the picture

Saturday, September 09, 2006


POIDS LOURD
On a levé le blocus.
Je bois à la levée du blocus.
De l’eau fraîche. Ou du thé. C’est un événement que je n’ai pas envie de noyer. J’ai comme l’impression de mieux respirer. Je danse dans l’appartement vide. Seule. Avec la lune dorée.
Ma peau a absorbé des tas des rayons de soleil. La levée du blocus me rend légère. J’ai l’impression que la vie défile sur la pointe des pieds. J’ai envie de regarder à nouveau en avant. Prendre rendez-vous avec l’horizon. Un tête-à-tête spécial-ressourcement.
Histoire de faire le point, histoire de jeter à la mer quelques unes de mes hésitations et de mes peurs. Un peu comme on lance ses dents de lait au soleil. Mon don est loin d’être blanc, mais, mes peurs comme mes dents ont été longtemps entretenues, brossées...
Au bas du dos, dans ma colonne vertébrale, je sens un poids. Un poids lourd dont la force est horizontale. Une force qui m’aspire en arrière. Un peu comme un aimant. Un aimant attiré par les débris entreposés tout le long de la mer, après la route de l’aéroport. Un aimant qui me décolle de ma place, me propulse, me colle de camion en camion, de tas de débris en tas de débris. Valse avec la ferraille. Chante-t-il dans ma peau.
Je m’étouffe dans la poussière et la bouillie de maison, dans ce tas informe de tissus bétonnés dont surgit par moment un ustensile de cuisine ou une patte de peluche.
Je dilue la poussière à l’aide de l’eau fraîche. Tiède à présent.
Je tourne le dos à la mer, à l’horizon. A mes cotés, un homme repêche ses peines et ses soucis qu’il n’arrive pas à abandonner. C’est la seule chose qu’il lui reste. Son petit malheur. Dans son filet, je reconnais mes peurs. Il les prend aussi. J’ai du mal à les lui réclamer. Il s’éloigne d’un pas lent traînant.
Derrière moi, je sens le soleil se coucher, s’étendre, s’éteindre et nous étreindre.


Pendant la guerre
C'est un texte que j'avais ecrit et oublié :
29-07-06
Ce que j’aime par-dessus dans les voyages, c’est le nouveau rapport que l’on établit avec le temps.
A moins d’être en train de se presser pour rattraper un site ou un musée … avant sa fermeture ou d’avoir mis le réveil pour rattraper le lever du soleil sur le Nil par exemple, on regarde peu sa montre et certaines heures ressemblent à des minutes et certaines minutes ressemblent à des heures. Résultat : On se sent en vacances car il n’ y a plus de chronologie dictatrice, de bornes. On se sent fluide, liquide traversant toute la beauté et l’exotisme du monde en une dizaine de jours. Parfois moins. Parfois un peu plus.
Le temps s’est ramolli depuis le 12 juillet 06. De sorte à me faire croire que je suis, que nous sommes tous en vacances.
Il a liquéfié ses aiguilles, les a tournées dans un sens puis dans l’autre etc. à toute vitesse, à toute lenteur. Les aiguilles ont été allongées, affinies, grossies, rapetissées. Les aiguilles ont disparu, ont reparu, se sont fait porter disparues.
Elles sont parties, elles aussi, pour donner au temps un peu de répit.
Le temps est fatigué. Il était content d’avancer, content que l’on fasse des projets. Content que l’on regarde les heures d’arrivée des avions, les dates de réservation des chambres d’hôtel, les heures tardives des fermetures des restos, des boites…
Content que les gens courent pour rattraper les boutiques, le coiffeur, le début du film au cinéma, le début du cours de tennis J, les bureaux d’agence de voyage, les places de parking, le feu vert…
Aujourd’hui, le temps est bouleversé. Les gens courent pour rattraper leur vie qu’ils voient disparaître. Ils ne courent pas pour trouver des places au parking car les routes sont vides et l’on gare partout à nouveau. On brûle très souvent les feux car les routes sont désertées. On ne court plus. On avance à pas rapides et méfiants. On pense dix fois à l’endroit où se rendre avant d’y aller. On écoute sans arrêt la radio. On reste sensible à la vibration des avions.
Parmi ces gens qui marchent, il y en a qui profitent des soldes, qui s’achètent des livres, qui se font coiffer… il y a des gens qui vont au restaurant, des gens qui vont à la plage, d’autres qui se marient.
Certains considèrent que ce sont des attitudes indécentes qu’il ne faut pas s’amuser car des gens sont en train de se faire tuer. Tous les jours, des gens se font tuer ou meurent dans des accidents naturels ou surnaturels, de maladies, de vieillesse. Dans cette logique, il serait tout simplement indécent de vivre.
Je crois que la guerre nous apprend la tolérance. Des degrés infinis de tolérance. Nous avons tous des manières différentes de réagir. Nous n’avons pas le droit de nous condamner les uns les autres. De tenter de se renvoyer à la gueule sa propre culpabilité ou impuissance. Il faut se taire et accepter. C’est le meilleur moyen de s’en sortir car il y a de multiples façons de réagir :
- Futile : aller s’acheter un maillot même si on sait que la mer et les poissons sont condamnés et qu’on ne le portera pas ;
- Contradictoire : manger chez soi et non au resto car des gens meurent de faim. Manger chez soi, c’est manger quand même.
- Hystérique : s’énerver de tout le monde, demander des comptes aujourd’hui pour des histoires vieilles de 20 ans, faire sa rébellion genre ado à 55 ans et se révolter contre ses enfants.
- Apathique ou ver de terrienne : Traîner à longueur de journées. Faire du tourisme dans sa propre maison. Longer les couloirs, les chambres. S’arrêter trop souvent de longues heures devant le poste de télévision et voir les mêmes images une bonne dizaine de fois avant de se lever et de longer à nouveau les couloirs…
- Névrosée : on range tout, tout le temps etc. On développe des manies ou on observe de vieilles manies réapparaître, celles dont on avait enfin réussi à se débarrasser après cinq ans d’analyse. On les accueille comme de vieilles connaissances et on réapprend à vivre avec.
- Masochiste : On aide nos amis à quitter et on leur porte leurs valises.
- Schizophrène : Je suis quoi exactement ?
- Calculatrice : on calcule le nombre de victimes, le nombre de soldats qui restent, le nombre de ponts détruits, le nombre de camions atteints, le nombre de déplacés, le nombre de missiles lancés par le Hezbollah, le nombre des gens qui ont signé les pétitions, le nombre des gens dans les manifestations., le montant envoyé par les pays arabes.. , le nombre de boites de conserve dans les supermarchés. On fait des équations. On pose des règles de trois… On est heureux de participer à tous les sondages et on voit l’évolution des statistiques.
- Sensée : on ne lit pas les journaux, on ne regarde pas la télévision. On marche autour du quartier, on écrit, on achète des provisions aux déplacés
- Productive : on va au boulot normalement et on y met la bouchée triple car on veut booster l’économie libanaise.
- Super productive : Toute la journée on a de supers idées pour venir en aide aux personnes en besoin. On est en contact avec des fournisseurs, des médecins, des artistes, des psychologues et on tente de mettre en contact tout ce petit monde pour faire, refaire le monde
- Créative : on ouvre un blog, on dessine, on écrit, on invente de nouveaux jeux pour amuser les enfants du sud
- Arriviste : on triple le prix de l'essence, des apparts en momontagne... On tente de penser à ce qui manque pour tenter d’ouvrir un businees. C’est la guerre qui veut ça. …
- Négative : on broie du noir à longueur de journée. On appelle les gens que l’on aime et on leur parle de façon désespérée et on leur dit de faire attention, on pense quitter le pays
- Super négative : on est déjà parti
- Super super négative : on est déjà parti, on a loué notre maison et on a projeté notre vie ailleurs.
- Positive : on essaye de garder le moral, de se stimuler les uns les autres de voir que le monde envoie des aides…
- Super positive : on pense que c’est le début de quelque chose qu’on ne connaît pas encore. On est tout le temps souriant mais cela peut mener aux réactions hystériques ou névrosées. A consommer avec modération.
..................................................................................................... J'en avais fait la suite que je ne retrouve plus. A qui a envie de poursuivre....

Saturday, August 19, 2006



L'ASSASSINAT DES MOUSTIQUES


Il est neuf heures du soir,
La jeunesse s’apprête à joindre la fiesta de l’oubli
Celle où elle a l’illusion que rien n’a vraiment eu lieu.
L’alcool coulera à gogo
Les oreilles seront assourdies,
Les conversations survoltées sonneront faux
On se saura vain et il y aura complaisance dans la vacuité
Besoin de croire que ça ira
J’ai sombré dans la fausse sieste réparatrice
Me suis obligée à dormir tout l’après-midi
Pour que le temps passe
Pour alléger cette période d’attente,
L’air est trop lourd et mes poumons s’engueulent
Je m’en vais vers les sous-sols jouxtant le port,
Là où l’air ne passe pas.
Je croirai respirer les vibrations des platines
Et je me verrai vivre car mes articulations se disloqueront
Et participeront au rythme de toutes les articulations présentes
Et puis je remonterai l’escalier à moitié éclairé,
Frôlerai les silhouettes des visiteurs tardifs,
Je rentrerai chez moi.
Je compterai les heures qui me séparent du lendemain
Et des jours qui suivent…
Je me disputerai avec la commande de l’air conditionné
J’aurai chaud et j’assassinerai des moustiques.