juillet06

C'est un blog né de l'impuissance. Impuissance face aux discours steriles, à la méchanceté gratuite, à la folie et à l'égocentrisme de ceux qui veulent gouverner et construire des nations. Un blog qui me ressemble : incohérent et interrogateur, drôle et larmoyant. Valérie

Sunday, November 05, 2006


L’arc-en-ciel sauve mes journées

Je marche pas à pas. Il pleut. Goutte après goutte. Je marche, il goutte. Mon visage ruisselle. Mes cheveux se couvrent de petites perles scintillantes qui sèment la bonne humeur sur mon visage tout entier : le cou qui se relève, les lèvres qui s’étirent, les yeux qui brillent.
Le centre de la ville est vide. Au milieu des pavés parfaits, des immeubles si bien dessinés et alignés. Entre les quelques vestiges qui rappellent un passé révolu et dont le silence et la gravité sont éloquents, je me sens accrochée, retenue par des éclats d’obus invisibles. Je me sens noyée dans des fleuves de sang d’enfant où émergent des parties distinctes de corps humains.
Non, tout n’est pas fini. Et j’entends souvent dire, chuchoter ou murmurer que ce n’est que le début.
Le début :
Un incipit en chute libre. J’ai du mal à imaginer la fin. Hier soir j’ai été au théâtre. Vu UNacceptable[1] : grotesque d’exagération : On vous achète au prix que l’on impose ou on vous viole. Telle fut la conclusion de cette heure où le même texte et les mêmes gestes se répètent à l’infini. De grandes réunions ordinaires et extraordinaires : De la luxure, de la pornographie, encore et toujours. Des lapsus et puis le chaos et de nouveau des discours hermétiques entrecoupés des mots paix et monde pour rappeler qu’ils sont là pour la bonne cause. Et puis, une critique de la scène locale. Le metteur en scène a lessivé tout le monde. On sort déboussolé, accompagné par des hommes en cagoule et armés, avec en tête « Ounadikom… », cette chanson culte d’Ahmad Kaabour.
ET puis, rien. Est-ce trop tôt ? trop tard peut-être pour une telle pièce ? A qui s’adresse-t-elle ? Et qui réagit ? Qui répond à l’appel ? Qui est toujours là ? Qui n’a pas en tête cette idée de départ ?
J’ai décidé de rester. Donc j’agis. J’ai repris un rythme de travail intensif. J’ai la tête pleine d’idées pour les spectacles de cette année. Quand je travaille et que je suis productive et surtout créative, j’ai beaucoup de mal à être négative. J’ai l’impression que ma tête fonctionne à une telle vitesse que je n’ai pas le temps de m’arrêter, de me poser des questions sur les grands titres des journaux, sur les « Tout va mal au Liban… Israël menace à nouveau… » Avec ou sans ma lecture, les journaux sont programmés pour ces tristes vérités imposées par …. qui deviennent vite la réalité, notre réalité, ma réalité. Alors, pour ne pas aller trop mal, j’active le mode hyperactif. (C’est idiot mais ça fonctionne.)
Et puis, j’essaye de m’entourer de couleurs, ça fonctionne aussi. Toujours une ou deux belles couleurs sous le nez, ça éloigne la morosité pour un moment. Avoir un parapluie drôle, genre grande grenouille verte ou avec des écritures ça aide, surtout quand le mauvais temps nous déprime. Regarder les arbres ça calme, même s’il n’ y en pas beaucoup. Chercher et trouver un arbre dans Beyrouth est un moment extraordinaire à vivre.
Ce sont de petites choses qui aident à mieux digérer le malaise ambiant. On est condamnes à digérer toutes ces vérités indigestes. Alors, autant le faire avec le sourire.
Avoir un fou rire dans la semaine et un sourire par jour est le meilleur remède pour continuer à flotter dans ce marasme.
Il pleut dehors et il commence à faire vraiment froid. Je suis assise à l’intérieur en face des arbres du Lycée que l’on a si grossièrement coupés. J’ai un peu faim et je sais qu’une bonne soupe m’attend à table. Je suis privilégiée. Je ne peux pas aller mal.

[1] Pièce jouée au Théâtre Monnot jusqu’au 19 novembre, mise en scène Sherif Abdelnour, deux versions anglais et arabe.

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