juillet06

C'est un blog né de l'impuissance. Impuissance face aux discours steriles, à la méchanceté gratuite, à la folie et à l'égocentrisme de ceux qui veulent gouverner et construire des nations. Un blog qui me ressemble : incohérent et interrogateur, drôle et larmoyant. Valérie

Saturday, September 09, 2006


Pendant la guerre
C'est un texte que j'avais ecrit et oublié :
29-07-06
Ce que j’aime par-dessus dans les voyages, c’est le nouveau rapport que l’on établit avec le temps.
A moins d’être en train de se presser pour rattraper un site ou un musée … avant sa fermeture ou d’avoir mis le réveil pour rattraper le lever du soleil sur le Nil par exemple, on regarde peu sa montre et certaines heures ressemblent à des minutes et certaines minutes ressemblent à des heures. Résultat : On se sent en vacances car il n’ y a plus de chronologie dictatrice, de bornes. On se sent fluide, liquide traversant toute la beauté et l’exotisme du monde en une dizaine de jours. Parfois moins. Parfois un peu plus.
Le temps s’est ramolli depuis le 12 juillet 06. De sorte à me faire croire que je suis, que nous sommes tous en vacances.
Il a liquéfié ses aiguilles, les a tournées dans un sens puis dans l’autre etc. à toute vitesse, à toute lenteur. Les aiguilles ont été allongées, affinies, grossies, rapetissées. Les aiguilles ont disparu, ont reparu, se sont fait porter disparues.
Elles sont parties, elles aussi, pour donner au temps un peu de répit.
Le temps est fatigué. Il était content d’avancer, content que l’on fasse des projets. Content que l’on regarde les heures d’arrivée des avions, les dates de réservation des chambres d’hôtel, les heures tardives des fermetures des restos, des boites…
Content que les gens courent pour rattraper les boutiques, le coiffeur, le début du film au cinéma, le début du cours de tennis J, les bureaux d’agence de voyage, les places de parking, le feu vert…
Aujourd’hui, le temps est bouleversé. Les gens courent pour rattraper leur vie qu’ils voient disparaître. Ils ne courent pas pour trouver des places au parking car les routes sont vides et l’on gare partout à nouveau. On brûle très souvent les feux car les routes sont désertées. On ne court plus. On avance à pas rapides et méfiants. On pense dix fois à l’endroit où se rendre avant d’y aller. On écoute sans arrêt la radio. On reste sensible à la vibration des avions.
Parmi ces gens qui marchent, il y en a qui profitent des soldes, qui s’achètent des livres, qui se font coiffer… il y a des gens qui vont au restaurant, des gens qui vont à la plage, d’autres qui se marient.
Certains considèrent que ce sont des attitudes indécentes qu’il ne faut pas s’amuser car des gens sont en train de se faire tuer. Tous les jours, des gens se font tuer ou meurent dans des accidents naturels ou surnaturels, de maladies, de vieillesse. Dans cette logique, il serait tout simplement indécent de vivre.
Je crois que la guerre nous apprend la tolérance. Des degrés infinis de tolérance. Nous avons tous des manières différentes de réagir. Nous n’avons pas le droit de nous condamner les uns les autres. De tenter de se renvoyer à la gueule sa propre culpabilité ou impuissance. Il faut se taire et accepter. C’est le meilleur moyen de s’en sortir car il y a de multiples façons de réagir :
- Futile : aller s’acheter un maillot même si on sait que la mer et les poissons sont condamnés et qu’on ne le portera pas ;
- Contradictoire : manger chez soi et non au resto car des gens meurent de faim. Manger chez soi, c’est manger quand même.
- Hystérique : s’énerver de tout le monde, demander des comptes aujourd’hui pour des histoires vieilles de 20 ans, faire sa rébellion genre ado à 55 ans et se révolter contre ses enfants.
- Apathique ou ver de terrienne : Traîner à longueur de journées. Faire du tourisme dans sa propre maison. Longer les couloirs, les chambres. S’arrêter trop souvent de longues heures devant le poste de télévision et voir les mêmes images une bonne dizaine de fois avant de se lever et de longer à nouveau les couloirs…
- Névrosée : on range tout, tout le temps etc. On développe des manies ou on observe de vieilles manies réapparaître, celles dont on avait enfin réussi à se débarrasser après cinq ans d’analyse. On les accueille comme de vieilles connaissances et on réapprend à vivre avec.
- Masochiste : On aide nos amis à quitter et on leur porte leurs valises.
- Schizophrène : Je suis quoi exactement ?
- Calculatrice : on calcule le nombre de victimes, le nombre de soldats qui restent, le nombre de ponts détruits, le nombre de camions atteints, le nombre de déplacés, le nombre de missiles lancés par le Hezbollah, le nombre des gens qui ont signé les pétitions, le nombre des gens dans les manifestations., le montant envoyé par les pays arabes.. , le nombre de boites de conserve dans les supermarchés. On fait des équations. On pose des règles de trois… On est heureux de participer à tous les sondages et on voit l’évolution des statistiques.
- Sensée : on ne lit pas les journaux, on ne regarde pas la télévision. On marche autour du quartier, on écrit, on achète des provisions aux déplacés
- Productive : on va au boulot normalement et on y met la bouchée triple car on veut booster l’économie libanaise.
- Super productive : Toute la journée on a de supers idées pour venir en aide aux personnes en besoin. On est en contact avec des fournisseurs, des médecins, des artistes, des psychologues et on tente de mettre en contact tout ce petit monde pour faire, refaire le monde
- Créative : on ouvre un blog, on dessine, on écrit, on invente de nouveaux jeux pour amuser les enfants du sud
- Arriviste : on triple le prix de l'essence, des apparts en momontagne... On tente de penser à ce qui manque pour tenter d’ouvrir un businees. C’est la guerre qui veut ça. …
- Négative : on broie du noir à longueur de journée. On appelle les gens que l’on aime et on leur parle de façon désespérée et on leur dit de faire attention, on pense quitter le pays
- Super négative : on est déjà parti
- Super super négative : on est déjà parti, on a loué notre maison et on a projeté notre vie ailleurs.
- Positive : on essaye de garder le moral, de se stimuler les uns les autres de voir que le monde envoie des aides…
- Super positive : on pense que c’est le début de quelque chose qu’on ne connaît pas encore. On est tout le temps souriant mais cela peut mener aux réactions hystériques ou névrosées. A consommer avec modération.
..................................................................................................... J'en avais fait la suite que je ne retrouve plus. A qui a envie de poursuivre....

1 Comments:

At 2:59 PM , Anonymous Anonymous said...

J'ai aimer ton texte et ton style , Chapeau ,
Raya S

 

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